Portrait publié sur Point contemporain,
Mai 2020

Né à Clermont-Ferrand en 1991, Simon Rousset (a.k.a NIWOZ) grandit dans une famille de restaurateurs d’œuvres d’art. De la fréquentation assidue des édifices religieux, il en retire un blason et une devise : « mon encre est ma croix ».

Il y a chez Simon Rousset une manière d’entrer en rébellion comme on entre dans les ordres, avec conviction. Il s’oppose de manière quasi systématique à un système hiérarchique, ordonné, ne trouvant sa place ni sur les bancs de l’école, ni sur ceux des Beaux-Arts. S’il n’est de fait pas exempt de culture artistique, il y a cependant quelque chose qui tient de l’art brut dans son travail, tant dans l’insoumission au dressage éducatif qu’au choix des matériaux. Basé principalement sur l’affect, tous les matériaux qu’il utilise relèvent de critères de choix internes à l’artiste. Ainsi, l’installation « Coucou » – un coucou saoul qui demande l’heure – est fabriquée à partir du plancher de sa chambre d’enfant. De même, « Marelle » est une sculpture composée d’objets récupérés (des clés, des morceaux de bois, des sapins, des petits soldats, …) ayant tous une dimension affective pour l’artiste. Mais ce n’est peut-être pas tant ce que ces objets représentent pour Rousset que leur esthétique enfantine et bricolée qui est importante.

Si l’enfance est le temps de la découverte, de soi, du monde, des autres, il est aussi celui des règles, de l’autorité. Rousset utilise alors l’encre pour s’évader d’un système scolaire trop rigide pour lui. Il commence par dessiner des mondes peuplés de drôles de personnages, d’animaux, d’avions ou de bateaux en papier. Les formes rondes, coulantes à la Mrzyk et Moriceau sont tracées d’un trait vif, au stylo noir. En 2012, le bateau s’échappe du dessin et devient une sculpture imposante de douze mètres par six. Intitulée « The Chill-Dren’s Dreams », cette première installation prend corps en collaboration avec Sylvain Grenot, l’un de ses collègue apprenti chaudronnier. Cette structure monumentale en métal est un pied-de-nez aux exercices demandés par les enseignants, une tentative d’évasion réussie. Elle abrite également un espace d’exposition destiné à présenter des pratiques artistiques inconnues ou considérées comme marginales. Exposé une première fois en Auvergne, à Veyre-Monton en 2013, « The Chill-Dren’s Dreams » fut à nouveau installé sur les quais du canal de l’Ourcq à Paris en 2019. L’espace intérieur servit cette fois d’abris pour les sans-domiciles-fixes du quartier, au grand dam des voisins.

Ses installations jouent souvent avec tout ou partie du contexte dans lequel elles sont installées. Sous ses airs nonchalants, Rousset bouscule avec facétie l’absurdité des règles imposées, squattant les ateliers des Beaux-Arts de Paris, organisant des séances nocturnes d’affichage sauvage dans les rues de Clermont-Ferrand ou installant un pêcheur pêchant dans un canal asséché. Enfin, plus récemment, il proposait « Primaire », une installation composée d’un bar, de rouleaux de papier-toilette, de craies, de ballons et de trois bacs contenant de la peinture, à l’occasion d’une exposition dans une ancienne manufacture de tubes à Pantin. Dans une ambiance de kermesse, les visiteurs étaient invités à lancer des boules de papier-toilette au mur, à dessiner à la craie ou à gonfler des ballons le temps de l’exposition. Joyeusement participative, il s’agissait aussi de faire un pied-de-nez à l’injonction restée affichée au mur de l’usine : « surtout pas avec les mains ».