Texte pour Tales of the south pacific, exposition personnelle de Maxime Bondu, Stargazer, Genève, 2010

“I wish I could tell you about the South Pacific” telle est la phrase introductive de la série de nouvelles intitulées “Tales of the South Pacific” de J.A Michener, parues en 1948, dont s’inspire le titre de l’exposition. Michener y relate par de courts récits, les épisodes de guerre menés par l’armée Américaine dans le pacifique sud. A la manière d’un conteur, il évoque avec ambiguïté la beauté des îles, tout en abordant les conflits qui font rage ainsi que les différences culturelles inévitables entre soldats et autochtones.

Maxime Bondu semble fonctionner sur le même mode. A la manière d’un historien, il fouille, cherche et travaille à partir d’archives et de documents afin de construire ses récits, qui sont imprégnés d’un passé historique lourd et d’une poésie déconcertante. D’un côté, un point de vue rêveur sur le pacifique sud, de l’autre un questionnement sur la conquête de l’espace. Qu’il soit lieu d’expérimentation, ou de colonisation, la question de l’espace est toujours affaire d’appropriation.

Avec la collection de l’île de Guam, il nous offre une vision heureuse et mélancolique, paysages presque clichés, montagneux et désertiques sur fond d’océan. La faune, la flore, les habitants, les coutumes, les paysages idylliques, nous font presque oublier que cette île n’est pas qu’un paradis. Colonie espagnole, puis lieu de conversion forcé au catholicisme, elle est cédée aux Etats-Unis qui en font une base d’escale aérienne. Occupée un temps par les Japonais, elle est reprise par les USA en 1944 et devient en 1950 une base militaire. Maxime Bondu choisit de nous montrer la totalité de sa collection (480 diapositives), rephotographiée sur une table lumineuse, organisée et transformée en planche de contact.

De l’intégralité de cette collection, il choisit d’extraire une image et de nous la présenter à part. Cette photographie est retirée et agrandie mais surtout remasterisée par l’artiste. Cet acte, plus encore qu’une simple restauration, devient ici une réinvention de morceaux de paysages. Les trous sur le film positif causés par l’usure du temps ont été complétés systématiquement, cherchant la bonne couleur, la bonne texture. Souvenirs de guerres ou de vacances, cette photographie n’est plus que le souvenir d’une conquête, ou conquête actuelle de l’artiste.

Les fauteuils tournés vers cette photographie dégagent différents sens. Ces chaises, appelées “Westport chair” ou “Adirondacks”, font partie du mobilier traditionnel de la région des grands lacs aux Etats-Unis. Elles sont utilisées pour le confort, le repos et surtout la contemplation du paysage. Maxime Bondu en fait ce qu’il appelle des “sculptures documentaires” qui sont extraites d’une image, et déclinées d’un précédent travail de l’artiste qui apparaît ici sous la forme d’une photocopie. Là encore, il y a une ambigüité entre la contemplation et ce que ces hommes contemplent; soit une explosion nucléaire. Ces chaises sont assez incongrues dans un tel contexte, surtout lorsque l’on sait que l’image a été faite sur un porte-avion. Maxime Bondu oscille entre contemplation et terreur, se référant sans cesse au contexte de son exposition qui semble refléter les névroses de l’homme postmoderne.


“I wish I could tell you about the South Pacific” that is the opening sentence of the series of short stories titled “Tales of the South Pacific” by J.A Michener and published in 1948, which inspired the title of this exhibition. Michener describes episodes of war waged by the U.S. Army in the South Pacific. In the manner of a storyteller, he evokes the ambiguous beauty of the islands, while addressing the conflicts and the inevitable cultural differences between soldiers and natives. Maxime Bondu seems work in the same way. In the manner of a historian, he searched, and seeks, works from archives and documents to build his stories, impregnated by a heavy historical past and a disconcerting poetry.

On one hand, a dreaming perspective on the South Pacific, on a second questions about the conquest of space. Whether place of experimentation, or colonization, the question of space is always a matter of appropriation. With the “Guam Island Collection”, he gives us a vision of happyness and sadness, almost cliché, mountains and deserts on ocean background. Fauna, flora, people, customs, idyllic landscapes, make us almost forget that this is not a paradise island. Spanish colony, then place for conversion to Catholicism, the island was ceded to the United States who make a stopover air base. Occupied by the Japanese, it is taken by the USA in 1944 and in 1950 became a military base. Maxime Bondu chooses to show us his entire collection (480 slides) re-photographed on a light table, organized and transformed in contact sheet. He choose to extract an image and show it separately. This photograph is printed but especially remastered by the artist. This act, more than just a restoration, is a reinvention of pieces of scenery. The holes on the positive film caused by the ravages of time have been systematically completed, looking for the good color, good texture. Memories of wars or holidays, this photograph is more a remember of a certain conquest.

The chairs turned to this photograph emit severals meanings. These chairs, called “Wesport chair” or “Adirondacks” are part of the traditional furniture of the Great Lakes region in the United States. They are used for comfort, rest and contemplation of the landscape. Maxime Bondu called them “documentaries sculptures” because extract from a document, and declined from a previous work of the artist which appears here as a photocopy. Again, there is an ambiguity between contemplation and what these men contemplate, a nuclear explosion. These chairs are pretty incongruous in such context, especially when we knows that the image was made on an aircraft carrier. Maxime Bondu oscillates between contemplation and terror, referring constantly to the context of his exhibition which seems to reflect the neuroses of the postmodern man.